Les Comités  du Souvenir Français Savoie

Dévoilement d'une plaque en hommage à Louis Pétraz.

Cour intérieure du passage reliant la rue basse du Château et la place du Château

 C’est en présence de Michel Dantin maire de Chambéry, des membres de la famille de Louis Pétraz, de monsieur le Secrétaire Général de la Préfecture, des membres du Conseil départemental, de madame Cléry-Barraud directrice départAmentale de l'ONACVG, des associations d’anciens combattants, des membres de l’Académie des Sciences, Art et Belles Lettres de Savoie, du Délégué Général du Souvenir Français de Savoie, Jean-Noël Parpillon, du président  du comité du Souvenir Français de Chambéry-Cognin, Frédéric Mareschal et d’un nombreux public, que s’est déroulé cette solennelle cérémonie.

Jean-Olivier Viout, président de l’Académie des Sciences, Art et Belles Lettres de Savoie, prit la parole pour relater ce que fut la vie de Louis Pétraz (voir extrait), suivi des hommages rendus par la municipalité de Chambéry et du Secrétaire Général de la préfecture.

Inauguration du passage Louis Petraz 22 aout 2017

Texte et Intervention de Jean-Olivier Viout, ce 22 août 2017 (extraits)

Louis Petraz La mémoire que nous gardons de Louis Petraz, ce sont d’abord  des images : celle de l’homme élégant, distingué, d’une courtoisie constante mais exprimant sans détour des convictions qui n’étaient pas feintes ; celle de l’homme chaleureux, direct, que l’on croisait au marché chambérien du samedi matin, arborant souvent son béret chasseur. Ce béret chasseur qui venait rappeler le passé qui avait été le sien.

Il y avait certes dans le passé de Louis Petraz le temps du service public, de l’administration préfectorale. D’autres en parleront mieux que moi.  Mais il y avait aussi dans ce passé, le temps de la jeunesse, de l’engagement au service de la Nation. Car Louis Pétraz était fondamentalement un patriote, au sens étymologique du terme.

Son attachement viscéral à la France, il le devait à son père,  combattant de la Grande Guerre, grièvement blessé à Remiront par un éclat d’obus, qui lui avait offert dans sa jeunesse l’image du sacrifice pour la défense de la patrie. Cette défense de la patrie dont il ignore à l’âge de 15 ans qu’elle va bientôt toquer à la porte de sa vie.

Le 1° octobre 1934, à l’âge de 17 ans, Louis Petraz est embauché en qualité de secrétaire administratif à l’office départemental des pupilles de la Nation.

 

Mais 1937 l’appelle sous les drapeaux pour effectuer ses obligations militaires. C’est à Chambéry, au sein du 13° bataillon de chasseurs alpins, qu’il va être affecté. En septembre 1939, alors que son temps de service arrive à son terme, il apprend la décision de maintien sous les drapeaux de sa classe d’âge. Il en comprend bien vite la raison, lorsqu’en stationnement à Lanslebourg avec son bataillon, il apprend que ses chefs viennent de recevoir un télégramme chiffré annonçant la déclaration de guerre.

Le 13° BCA gagne alors l’Alsace, où il va demeurer durant l’hiver. Puis arrive ce 16 février 1940 où Louis Pétraz et des centaines d’autres alpins sont réunis sur une vaste prairie aux portes de Belley. Va, en effet, être officialisée l’annonce de la création d’un corps expéditionnaire français en Scandinavie et au sein de celui-ci, d’une brigade de haute montagne dont les chasseurs alpins du 13 vont faire partie, ainsi qu’en attestent la tenue blanche et l’équipement grands froids qui leur sont distribués.

La France et l’Angleterre ont en effet décidé de porter secours à la Finlande en lutte contre l’URSS. En outre le ravitaillement en minerai de fer suédois transitant par le port de Narvik, il convient de parer à la main mise du III° Reich sur cette matière première vitale pour l’industrie de guerre allemande.

Le grand départ pour le nord de l’Europe a lieu finalement le 10 avril. Louis Petraz et ses camarades gagnent par le rail le port de Brest où ils embarquent sur le Ville d’Oran. Cap sur l’Ecosse pour une escale. Puis le navire convoyeur de troupes reprend la mer escorté par Le Bison, l‘Epervier et le Milan. Ce n’est qu’au large que les alpins apprennent la destination du convoi maritime : ce sera le port de Namsos en Norvège. (…)

Le sergent-chef Louis Petraz, secrétaire au poste de commandement, transporte sa machine à écrire dans son sac à dos. Il est témoin du bombardement de Namsos, le 20 avril et de l’impressionnant brasier de ses maisons en bois qui se consument.

De retour au Havre, Louis Petraz et les chasseurs du 13 vont connaitre en ce mois de mai maudit, la ruée des Panzer division dans les plaines des Hauts de France démantelant une armée française désemparée devant cette horde mécanisée.

Le 11 juin à Thiedeville, village de Seine Maritime, Louis Pétraz est fait prisonnier. Il rejoint quelque 500 autres camarades de combats au Frontstallag 170 à Senlis.

Le 8 décembre 1940, Louis Petraz et son camarade réussissent à tromper la vigilance de la sentinelle qui garde l’entrée du camp et se réfugient chez cette patriote qui leur fournit des vêtements civils. Il gagne la gare et franchissant un contrôle allemand, prend un train pour Paris. De retour à Chambéry, Louis Petraz est embauché, dès le mois suivant, en qualité de rédacteur auxiliaire à la préfecture de la Savoie. Mais il n’est pas homme enclin à la stagnation.

Bientôt, il va retrouver ses deux condisciples de l’école professionnelle. Lucien Rose tout d’abord qui, lui aussi, a participé à l’expédition de Norvège sous le béret chasseurs. Engagé dans le syndicalisme chrétien, il a reçu de Léon Morandat, délégué du général de Gaulle en France, mission d'organiser les mouvements Libération et Franc-tireur dans les Alpes. En qualité de chef "civil", il partage avec l'architecte chambérien Edwin Stephens, chef militaire, la direction de la région "Lamartine". 

Rose et Terrier n’ont guère d’efforts à déployer pour engager Louis Pétraz à entrer lui aussi en Résistance. Louis Petraz va donc mettre sans tarder à la disposition de la Résistance les moyens et facilités auxquels il peut accéder par ses fonctions administratives. Il distrait sur les réserves de la préfecture des tickets de ravitaillement, il établit de varies-fausses pièces d’identité grâce à la complicité de la sténodactylographe Paulette Besson, employée au service des cartes d’identité. Le 1° juillet 1943, il est officiellement intégré au NAP (Noyautage des administrations publiques).  Il est en contact avec François Dumas, chef de division à la préfecture, Henri Miconnet et Robert Modelon, inspecteurs aux renseignements généraux, tous engagés dans cette Résistance secrète de ceux qui mettent leurs attributions et prérogatives publiques au service de la France Libre et de son chef.

Début 1944, Lucien Rose demande à Louis Petraz de participer, en qualité de consultant puis de secrétaire, à des réunions d’un groupe informel de représentants des diverses mouvances syndicales et politiques entrées en Résistance qui vont bientôt constituer un Comité Départemental de Libération clandestin.

Il est présent le jour où Lucien Rose s’adresse ainsi à ses compagnons : « Préparons le moment où nous monterons à la préfecture ». Car le débarquement de Normandie fait désormais entrevoir le jour où Chambéry sera libéré et où le Comité Départemental de Libération montera à la préfecture pour se substituer au préfet vichyste.  

Ce jour adviendra le 22 août 1944. Tandis que Chambéry libéré fête la fuite de l’occupant, le Comité Départemental de Libération se réunit, pour la première fois non clandestinement, dans les murs de la mairie de la Motte Servolex. Louis Petraz, une fois encore, assure le secrétariat de séance.

La montée à la préfecture est fixée au lendemain matin 23 août. C’est Lucien Rose président du CDL, accompagné de Charles Savouillan délégué de l’union départementale des syndicats chrétiens qui se présente devant le préfet du gouvernement de Vichy pour lui notifier sa destitution et sa mise en état d’arrestation. Le premier acte public qu’il pose en qualité de nouveau préfet est la nomination d’un chef de cabinet : ce sera Louis Petraz.

Ainsi Louis Petraz va vivre de l’intérieur le rétablissement en Savoie de la légalité républicaine. Il sera tout naturellement présent, toujours dans le sillage de Lucien Rose, ce dimanche 5 novembre 1944, sur le pont des Amours, pour accueillir le chef de la France libre arrivant en visite officielle à Chambéry.

De ces moments, Louis Petraz retirait la conviction de l’impérieuse nécessité du devoir de mémoire incombant aux témoins les ayant vécus.

De ces moments, Louis Petraz avait tiré les leçons pour façonner ce sens de l’intérêt général, de la souveraineté nationale, en un mot ce sens de l’Etat qui était le sien et qui a imprimé le reste de son existence.

Il convenait que son souvenir demeure dans cette ville de Chambéry qu’il a tant aimé et dont l’avenir captait son attention et même sa passion jusqu’à ses derniers instants. C’est aujourd’hui chose faite avec l’attribution de son nom à ce passage blotti au pied de cette préfecture de la Savoie où il a vécu une tranche de vie qui ne fut pas ordinaire.

Ses nombreux amis comme les derniers membres vivants de la communauté de la Résistance ne peuvent que s’en réjouir.