150ème anniversaire de la guerre de 1870-1871
Charles-Albert Costa de Beauregard
et le premier bataillon des Mobiles de Savoie
Jean-Noël Parpillon dit Fiollet
Ce texte est dédié à nos amis de Bethoncourt : Jean Sacco, ancien maire, ses adjoints Jean André et Philippe Tissot, à Messieurs Denis Devillers et Jean Mathiot du Souvenir Français, Daniel Seigneur, auteur et cinéaste, ainsi qu’à tous les associations et habitants de Bethoncourt pour la chaleur de leur accueil er leur fidélité dans le souvenir.
Dix années après l’Annexion, la Savoie témoigne de son appartenance sans réserve à la nation française par la participation de ses soldats à la guerre de 1870-1871. Depuis l’Annexion, la Brigade de Savoie a été dissoute et ce sont les règles d’organisation de l’Armée française qui prévalent désormais, notamment depuis la loi de 1868 : Garde Nationale Mobile, Garde Nationale Sédentaire, Garde Nationale Mobilisée, Armée Territoriale et Gendarmerie en constituent les différents éléments. La présence des savoyards dans ce conflit se concrétise de différents manières : présence des conscrits dans l’armée d’active, incorporation dans les bataillons de Mobiles, engagement volontaire dans les Francs-Tireurs…
Nous nous attacherons plus particulièrement ici aux Mobiles du 1er bataillon, engagés notamment dans la bataille de Bethoncourt, non sans avoir au préalable rendu hommage à tous les autres acteurs savoyards de cette guerre malheureuse et meurtrière.
C’est Albert Costa de Beauregard qui est nommé commandant du 1er bataillon de Mobiles de la Savoie
Château Costa de Beauregard à La Motte -Servolex
Charles-Albert Costa de Beauregard dans sa tenue de commandant
au moment du départ de Chambéry
Le drapeau du 1er bataillon
Albert Costa de Beauregard nommé commandant du 1er bataillon de Mobiles de la Savoie est parti de La Motte-Servolex et de Chambéry sans drapeau.
Arrivé à Orléans, c’est l’évêque Savoyard (originaire de Saint-Ours), Monseigneur Dupanloup qui lui fait confectionner un « joli fanion sur lequel de braves nonnes ont brodé une petite Jeanne d’Arc. Mes hommes la prennent pour la Sainte-Vierge… » (Albert Costa de Beauregard, lettre du 26 septembre à son épouse).
Qu’est devenu ce drapeau ? Nous ne le savons malheureusement pas. Il est cependant établi qu’il n’est conservé ni au Musée Savoisien, ni dans le département artillerie et emblèmes du Musée de l’armée de l’Hôtel des Invalides.
De même le fanion du 2ème bataillon, confectionné par des « dames d’Albertville » et déposé tout de suite à la fin de la guerre à l’Hôtel de ville où il n’est plus serait conservé dans les collections de Conflans.
La bataille de la Lizaine (ou Lisaine)
Dans les annexes proposées en fin de ce texte, l’ensemble des mouvements opérés par le 1er bataillon et des combats auxquels il a participé sont évoqués. Arrêtons-nous donc maintenant sur la bataille de la Lisaine. Elle s’est déroulée le long de cette rivière du Doubs, les 14, 15 et 16 janvier 1871, de la commune de Frahier à celle de Montbéliard.
Au cours de cette bataille, les savoyards du 1er bataillon de Mobiles sont engagés à Bethoncourt sous le commandement du motterain Albert Costa de Beauregard.
Les conditions vues par le général Bourbaki
« Les chemins sont couverts de verglas ; les charrois de l’artillerie et de l’administration présentent pour être exécutés, les plus grandes difficultés. (…)
Mes opérations se trouvent contrariées à chaque instant par la difficulté d’assurer la subsistance des troupes en raison de l’éloignement des voies ferrées, du verglas, de la raideur des pentes à gravir et à descendre, de l’insuffisance numérique de nos moyens de transport. Il est impossible de se trouver dans de plus mauvaises conditions que celles qui nous sont faites d’une façon si continue par la rigueur de la saison. »
A l’heure de la bataille
« …tandis que sur la rive gauche de la Lizaine, les allemands, utilisant fermes et villages, cantonnaient tout leur monde, ne laissant au bivouac que la quantité d’hommes strictement nécessaire au service de sûreté, de l’autre côté les malheureux soldats français, à peine garantis par une mauvaise petite pente dont ils dédaignaient même l’insuffisant abri, passaient au bivouac une nuit glaciale, sur un sol couvert de près d’un mètre de neige, et, mal couverts, mal vêtus, plus mal nourris, restaient exposés à toutes les rigueurs d’une température descendue à 19 degrés au-dessous de zéro ! Le 15 au matin, nombre d’hommes devaient être évacués par suite de congélation ; la masse elle-même, si dévouée qu’elle fut, se ressentait cruellement de ces épouvantables souffrances, et l’armée toute entière subissait une dépression à la fois physique et morale, peu faite pour la préparer aux épreuves qu’il lui restait encore à affronter. »
(relation du colonel Léonce Rousset, Histoire Populaire, 1908)
Les forces allemandes
Elles sont constituées de 47 bataillons, 28 escadrons et 22 batteries de campagne, soit environ 52 000 hommes et 132 pièces plus 34 pièces de position.
Les forces françaises
Elles se composent de 3 corps d’armée et de la réserve soit 95 000 hommes, 240 bouches à feu.
La bataille, (le 16 janvier)
« Du côté de Bethoncourt cependant, l’attaque était menée plus vigoureusement. Les batteries du 15ème corps, aussitôt le brouillard dissipé, avaient dirigé sur ce point une partie de leurs coups, auxquels se joignaient ceux d’une batterie du 24ème corps établie à Vyans. Les deux bataillons prussiens postés dans le village (le bataillon de landwehr de Goldap et le bataillon badois envoyé la veille en renfort par le général Glümer) souffraient beaucoup de cette canonnade, bien qu’ils fussent tapis dans leurs tranchées ; comme on voyait, d’autre part, des masses importantes d’infanterie française se rassembler autour du bois Bourgeois, le général de Glümer envoya encore, de Grand-Charmont dans Bethoncourt, un bataillon badois avec deux batteries. L’une d’elles, arrivée vers une heure, fut presque aussitôt désemparée par les feux croisés de l’artillerie française, et dut se retirer pour refaire ses attelages ; elle ne revint qu’une heure plus tard auprès de l’autre batterie, établie au sud des Grands-Bois. Cependant, aucune attaque ne se dessinait encore. A trois heures seulement, trois bataillons des brigades Questel et Minot débouchèrent des bois ; deux d’entre eux se déployèrent en tirailleurs devant Petit-Bethoncourt ; le troisième resta massé et dirigea sur la position allemande une fusillade intense. Bien qu’à ce moment nos pièces, qui avaient épuisé leurs munitions, aient été obligées d’interrompre leur feu, bien que l’artillerie allemande fit rage, nos soldats par une vigoureuse offensive, poussèrent jusque dans Petit-Bethoncourt. Mais ce ne fut pas pour longtemps : sous le feu rapide des Prussiens, on les vit bientôt regagner les bois, laissant sur le terrain un grand nombre des leurs. Une demi-heure plus tard, trois autres bataillons, qui avaient marché contre la lisière nord de Bethoncourt étaient refoulés dans des conditions semblables. Enfin, vers quatre heures, la brigade Minot tout entière essayait d’aborder par le nord la position de Bethoncourt ; écrasée par les obus, elle ne put même pas se déployer, et rétrograda, elle aussi, à travers ce fatal champ de neige où s’entassaient les morts et les mourants. La nuit tombait déjà ; la division Dastugne ne chercha pas à renouveler ses désastreuses tentatives, et se borna à saluer d’une salve prolongée les avant-postes ennemis qui prenaient position après le combat. Tout rentra ensuite dans le silence, l’ennemi ayant regagné ses abris et nos soldats les bivouacs glacés où ils allaient passer leur deuxième nuit de tortures. » Relation de Rousset (Histoire Populaire)
La relation de la bataille par Charles-Albert Costa de Beauregard
« … Nous venons de passer la nuit sous un feu ininterrompu d’obus, lorsque le 16 janvier, vers midi, le général Minot nous donna l’ordre de prendre position à la lisière d’un petit bois en face de Bethoncourt. Nos hommes épuisés par tant de souffrances étaient quand même à l’heure dite rangés en bataille, sur la position qui nous était assignée. Tout était blanc de neige et morne à serrer le cœur. (…) Le clairon sonna. Tout alla bien pendant quelques minutes. Nous avancions à travers cette plaine blanche qui avait plus de 800 mètres de long, sans tirer un coup de fusil. Devant nous le village semblait toujours abandonné. Sur notre droite, à moitié chemin, il y avait un cimetière entouré de grandes murailles. Voilà qu’arrivés à la hauteur de ce cimetière, nous avons tout à coup été pris en écharpe par un feu épouvantable, en même temps toutes les maisons en face, du toit jusqu’au rez de chaussée, se couvrirent de feu. Plus de soixante hommes de chez nous et des chasseurs qui nous flanquaient tombèrent à cette première décharge. Nos compagnies de soutien accoururent, mais ne firent qu’ajouter leurs morts aux nôtres. Ils jonchaient le sol comme les brindilles de bois après la grêle. On dit que le général fit sonner la retraite. Personne chez nous ne l’entendit. Les Savoyards continuèrent à avancer. A peine tiraient-ils, çà et là, un coup de fusil, ils n’avaient toujours devant eux que des maisons crénelées. (…) Deux cent cinquante hommes étaient dans la neige, dont soixante-dix morts. »
(Le comte Joseph de Cordon, souvenirs réunis pour ses enfants).
« Ma triste campagne finit bien tristement. Il faut accepter cette dernière souffrance en expiation d’une vie trop heureuse jusqu’ici. L’inquiétude sur le sort de mon bataillon, l’humiliation d’avoir été pris me rendent bien malheureux. Je suis tombé blessé au pied et n’ai pu me relever Ah ! Mes pauvres chers soldats ! Il y en avait un qui râlait à côté de moi et me disait : Je suis heureux, commandant d’être plus blessé que vous. Une seconde balle l’a achevé.
Le commandant Costa libéré pour participer aux élections législatives arrive ainsi à Bordeaux
Voici à peu près l’histoire de cette malheureuse affaire.
Nous nous étions battus l’avant-veille à Arcey, mais sans être engagés de façon dangereuse. Le lendemain nous avions passé la journée et la nuit sous le feu de l’artillerie. Les obus nous pleuvaient sur la tête. Jusqu’à deux heures, nous sommes restés immobiles entendant la plus enragée musique du monde. On se fait à cela ; mes hommes ne bougeaient pas, causaient, riaient bravement.
A deux heures, le général M… [il s’agit du général Minot, note jnpf] nous fait mettre en bataille à la lisière d’un bois, avec l’ordre de partir à l’assaut du village que nous avions devant nous. Nous en étions séparés par une plaine d’environ huit cent mètres, nue comme la main et couverte de neige. A droite se tenait un cimetière ; puis, toujours à droite, à quatre cents mètres plus loin, deux maisons, plus loin encore, une grande fabrique ; tout cela avait l’air le plus innocent du monde.
On avait, pour déblayer la route, envoyé quelques obus sur le village ; le village avait riposté, puis tout était rentré dans le silence. L’attaque semblait en somme devoir être peu de chose, quand l’ordre nous est venu de marcher. Mais, comme nous sortions du bois, l’ennemi a ouvert sur nous un feu d’enfer. Parvenus à la hauteur des maisons, nous avons été pris en flanc par la fusillade qui nous a accompagnés jusqu’à cent mètres du village. De toutes parts nous étions enveloppés de feu ; le général a perdu la tête. Au lieu de nous soutenir, il nous a abandonnés. Je suis tombé un des derniers. La plaine était jonchée de pauvres gens inutilement sacrifiés. On a tenté je crois, de faire une diversion sur la gauche, puis la fusillade s’est éloignée ; les prussiens en ont profité pour ramasser les blessés. En arrivant à l’ambulance, j’ai béni Dieu que le général n’eût pas engagé toute la colonne ; le village ressemblait à une place forte. Nous aurions péri jusqu’au dernier sans pouvoir y pénétrer. (Albert Costa de Beauregard, Lettre à son épouse)
La blessure d’Albert Costa de Beauregard vue par le Capitaine Comte de Cordon
Le commandant Costa blessé, puis fait prisonnier à Bethoncourt. Dessin de L. Bombled,
« Dans une malheureuse attaque près d’Héricourt, notre cher commandant a été blessé et fait prisonnier. Je l’ai vu une minute avant qu’il tombe ; il était splendide de sang-froid. Je regrette que les circonstances ne me permettent pas de vous donner plus de détails. Je tiens à terminer ma lettre en vous assurant que notre commandant n’est pas gravement blessé.
(Lettre amenée du champ de bataille à La Motte par Pinet, ordonnance d’Albert Costa de Beauregard).
La retraite
La débâcle vers la Suisse
« Les soldats épuisés, décimés par le froid, littéralement affamés, n’étaient plus en état de combattre ; les chevaux, qui n’avaient rien à manger non plus, étaient arrivés à une faiblesse telle que, quand ils tombaient, ils ne se relevaient pas ; les bivouacs glacés avaient fait des victimes en nombre incalculable ». (Rousset)
A 11 heures du soir le 17 janvier il ne reste plus au commandant en chef de l’armée de l’Est à constater l’échec de la bataille de la Lizaine. Il se décide à la retraite vers Besançon. Dans cette bataille les français ont perdu, selon les sources, de 4ooo à 8ooo hommes.
La fin de la guerre
Le 26 février 1871 est signé le traité préliminaire de Paix entre Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif de la République assisté de Jules Favre, Ministre des Affaires étrangères, et Bismarck, chancelier de l’empire germanique (celui-ci a été proclamé à Versailles le 18 janvier 1871).
Ce traité dispose que :
La France renonce à l’Alsace et à la Lorraine, mais sauve Belfort.
La France doit en outre s’acquitter d’une amende de cinq milliards de francs.
L’évacuation de Paris, et de plusieurs départements dès la ratification du traité par l’Assemblée nationale siégeant à Bordeaux et où la Savoie est notamment représentée par Albert Costa de Beauregard, seul élu conservateur de Savoie.
Les troupes françaises n’ont pas le droit de dépasser la Loire tant que le traité de Paix définitif n’aura pas été signé (sauf l’autorisation d’une garnison à Paris).
Les autres départements sont évacués au fur et à mesure du paiement de l’amende. Pendant ce temps-là, la France devra nourrir les armées d’occupation…
Les prisonniers seront libérés à la ratification du traité (sauf une disposition dont va profiter Albert Costa de Beauregard, la libération pour participer aux élections législatives)..
1871, La Commune
Alors qu’une partie du territoire français est occupé et que Paris subit un blocus de la part des prussiens, une guerre atroce oppose français contre français : la Commune de Paris, proclamée le 21 mars 1871 en réaction à la misère imposée au peuple de Paris, dans un temps où les idées du socialisme ont progressé depuis 1830 et 1848.
Le 2 avril le pouvoir de Versailles attaque Paris. L’épisode de la Commune prend fin dans la semaine sanglante qui s’achève le 28 mai 1871.
1873 : Napoléon III meurt le 9 janvier 1873. Il faut attendre le 15 mars 1873 pour que soit signé le traité d’évacuation des troupes d’occupation (libération totale du territoire le 16 septembre 1873). Mais la blessure de la perte de l’Alsace et de la Lorraine perdurera jusqu’en 1918, alimentant rancœur, esprit de revanche et nationalismes exacerbés.
1875 plusieurs lois à portée constitutionnelle sont votées confirmant le choix républicain du 4 septembre 1870.
La mémoire de la bataille de la lisaine
Impasse de la lisaine à Bethoncourt
A Bethoncourt, le monument aux Savoyards
Le portail du cimetière de Bethoncourt porte une date : 1866.
De très vieilles tombes y existent encore. Ainsi, tout de suite à droite en entrant celle de la famille Bainier, qui a, à l’évidence, été témoin de la bataille qui s’est déroulée à quelques pas sur le territoire de leur commune comme l’a été le maire de l’époque, Monsieur Colin, ou la jeune bethoncourtoise soignant les blessés savoyards à l’ambulance prussienne, Catherine Saignou.
Un peu plus loin, un monument rend hommage aux combattants de 39-45 dont ces FFI tombés dans la lutte contre le nazisme.
Le monument « aux savoyards » de Bethoncourt
Et puis là-bas, au milieu du cimetière, le monolithe du monument. La commune de Bethoncourt a concédé gratuitement dans son cimetière un espace où le monument fut élevé. C'est un sergent-major du 1er Bataillon, l’architecte savoyard Lathoud, qui en a conçu le plan et dirigé l’exécution. Il a la forme d’un obélisque reposant sur un socle. Le côté qui regarde le champ de bataille porte à son sommet une couronne d’immortelles encadrant la croix de Savoie. La commune de Bethoncourt le fera plus tard entourer d'une grille, à ses frais. Il s’agit d’une pyramide en grés rouge des Vosges.
Il est installé à l’extrémité d’un grand rectangle fermé d’une grille : y reposent les soixante-dix soldats et trois officiers du 1er bataillon tombés un peu plus bas dans la plaine de la Lizaine.
Sur la face principale du monument, cette inscription, celle de 1872 :
Mobile-Savoie
Aux officiers
Et soldats du 1er Bon
Tombés
A
Bethoncourt
Le XVI janvier
MDCCCLXXI
Sur le socle cette signature :
Leurs
Compagnons
D’Armes
Sur le côté droit du monument des noms ont été rajoutés sur une plaque :
Berthet François Girerd Joseph
Braissand Joseph Hyvrard Joseph
Brun Joseph Permesel Joseph
Busso François Puthod André
Cathelin François Rebotton-Gros Etienne
Dupraz Anthelme Richardet Jean-Pierre
Gache Joseph Vicent Joseph
En dessous, sur le socle, une plaque reprend les mentions d’origine figurant sur la face principale du monument. A l’arrière, en bas, sur une plaque, ces mentions :
Ici reposent dans le Seigneur
Les Capitaines
MILAN François de La Rochette
Besancenot Félix de Noidoux le Ferroux
Et 71 soldats du 1er Bon de Mobiles
De la Savoie morts pour la Patrie
Le 16 janvier 1871
Cérémonie au monument « aux savoyards » de Bethoncourt
- A Chambéry, le Monument des savoyards morts pour la Patrie en 1870-71
Après la guerre un début de légende semble vouloir s’imposer. Ainsi en témoignent les textes de François Descotes, lui-même ancien mobile. Il publie dès 1872 « Un pèlerinage à Bethoncourt », relation de l’inauguration du Monument aux Morts de Bethoncourt. Cet ouvrage est vendu « au profit de la libération du territoire », c'est-à-dire pour contribuer à payer l’amende infligée par l’Allemagne au terme du traité de Paix. Il publie aussi, un peu plus tard, « Bethoncourt, poème à la mémoire des victimes du combat du 16 janvier 1871 » lu à l’Académie de Savoie le 2 août 1875.
Extrait :
« Le général a dit : « Enfants de la Montagne !
C’est à vous de marcher !...Le sort de la campagne,
Il est entre vos mains !... Bethoncourt est là-bas !
Savoyards ! En avant ! Et ne reculez pas !
Et Costa, parcourant la ligne de bataille :
Soldats ! Souvenez-vous de vos nobles aïeux !
Eux ne surent jamais bouder à la mitraille :
Songez à leur vaillance et soignez digne d’eux ! »
De son côté, l’Abbé Joseph Bernard, de Montmélian publie à Paris chez Olmer en 1876 : « L’orpheline de Bethoncourt, épisode de la guerre de 1870-71 ».
Ce poème est couronné par l’Académie de Savoie.
Extrait :
« Ils sont passés, les mois d’exils et de souffrance.
En jetant aux échos leur cri de délivrance,
Ils reviennent tes fils, Savoie, ouvre tes bras
Et presse sur ton cœur ces valeureux soldats.
Tous ils ont combattu tes combats avec gloire ;
Leur défaite est plus grande encore qu’une victoire.
Pour ceux, hélas ! Nombreux qui n’ont pu revenir,
Garde à jamais au cœur un vivant souvenir ».
En 1912, à l’initiative du Souvenir Français, est élevé place Monge à Chambéry, quarante ans après celui de Bethoncourt, un monument aux Savoyards morts pour la patrie en 1870-71. Le monument de la place Monge a pour nom officiel « Monument aux morts pour la Patrie ». Il a été inauguré le 23 juin 1912. Il a été installé par le Souvenir Français, alors présidé en Savoie par le comte Léon Costa de Beauregard, neveu de Charles-Albert. Payé par une souscription départementale et une subvention de la mairie de Chambéry ainsi que du conseil général de la Savoie.
Cérémonie place Monge
Le Souvenir français relate ainsi l’inauguration de ce Monument dû au sculpteur Ernest Dubois : « Ce dimanche 23 juin 1912 est celui de l’inauguration de l’œuvre du sculpteur Dubois « représentation d’une Tarine s’élançant vers de nouvelles batailles que contient le bras maternel et fier de la Patrie (…) Il va être onze heures. Autorités Civiles et Militaires en tête desquelles le Général Courtebaisse, Gouverneur Militaire de Lyon, ont pris place dans une tribune érigée au pied de la statue. A l’issue d’un brillant discours consacré au Souvenir frère de l’espérance, M. Costa de Beauregard, Président du Comité Chambérien du Souvenir Français, vient de procéder à la remise du monument à la Municipalité. Sur l’estrade réservée aux orateurs lui succède, le Docteur Veyrat Maire de Chambéry, qui en une longue fresque historique magnifie les faits d’armes des Troupes Savoyardes ayant servi sous le drapeau français.
Puis l’Orphéon chambérien et le cercle choral des Artistes d’Aix-les-Bains vont exécuter une cantate patriotique écrite pour la circonstance.
Un défilé du 97ème d’Infanterie, du 13ème Chasseurs et des Dragons à cheval clôturera la cérémonie dont la presse toute opinion confondue saluera la grandeur et la dignité. »
Nous sommes à la veille de la prochaine guerre, et de la revanche.
A souligner aussi le rôle des manuels d’histoire qui exaltent le rôle des savoyards dans la guerre de 1870. Ainsi F. Christin, instituteur, et l’avocat F. Vermale, dans l’ouvrage qu’ils cosignent Abrégé d’Histoire de la Savoie en 10 leçons publié chez Perrin (Dardel) en 1913 rappellent-ils : « Les mobiles savoisiens, sous les ordres du commandant Dubois [note jnpf : 2ème bataillon] et du marquis Albert Costa de Beauregard, s’illustrèrent à Bethoncourt (…) ».
Les commémorations
Le Souvenir Français organise chaque année, pendant longtemps le 2 novembre, maintenant le vendredi de janvier le plus près de la date anniversaire de la bataille, une cérémonie au Monument aux Morts de la Place Monge de Chambéry. Il rend ainsi hommage à l’ensemble des combattants de toutes les guerres, y compris bien sûr, celle de la guerre de 70-71.
Mais il faut bien reconnaître que de manière générale, nous avons trop longtemps un peu oublié en Savoie ces épisodes. C’est le mérite de nos amis de la commune de Bethoncourt de nous avoir permis de renouer avec cet aspect de notre histoire.
En invitant à Bethoncourt en janvier 2001 une délégation de savoyards pour le 130ème anniversaire de la bataille de Bethoncourt, ils nous ont remis sur la voie du devoir de mémoire pour cette guerre et ses acteurs. Désormais, depuis 2006, à La Motte-Servolex, le rond-point Bethoncourt (bataille de la Lisaine, 15 et 16 janvier 1871) dessert l’entrée principale de l’actuel Domaine Reinach, ancien château Costa de Beauregard. C’est de là que le 24 septembre 1870 partit Albert Costa de Beauregard pour emmener sous son commandement le millier d’hommes du 1er bataillon de Mobiles de la Savoie. Au même moment sur le parvis du château (aujourd’hui Reinach) était inaugurée une plaque commémorative du 1er bataillon de mobiles. En y passant, nous saurons nous souvenir de l’attitude héroïque et du sacrifice des Mobiles de Savoie à Bethoncourt.
Depuis la Savoie se souvient.
Publication de la SSHA en 2006
Exposition à Francin
Exposition à l’Hôtel de ville de Chambéry
Annexe 1 : Le 1er bataillon de Mobiles de la Savoie et la guerre de 1870-1871,
Annexe 3 : Les Mobiles de Savoie dans l’Armée de l’Est
Annexe 4 : Une lettre du maire de Béthoncourt.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
• Lettre à son épouse, par Charles de Beauregard.
• Une guerre oubliée : La Bataille de La Lisaine 15, 16, 17 février 1871.- Collectif d'Associations, Média Vidéovision, Bethoncourt, Janvier 2001
• Une page héroïque de l'histoire de 1870 - 71. Le 1er Bataillon des Mobiles de la Savoie au Combat de Bethoncourt (16 janvier 1871) du capitaine Francillard - Montbéliard 26 août 1913.
• Extrait de "Le Diairi" 1914 (Archives Municipales de Montbéliard - Doubs)
• Archives Municipales de Chambéry
• Archives Départementales de la Savoie
• Médiathèque Jean-Jacques Rousseau de Chambéry
COSTA DE BEAUREGARD, comte Léon
• Jean-Noël Parpillon, les Costa de Beauregard à La Ravoire, conférence espace Jean Blanc la Ravoire
DUBOIS Ernest, sculpteur
• André Palluel-Guillard, Les Costa, une grande famille de Savoie, conférence pour Connaissance du canton de La Motte-Servolex, puis l’Histoire en Savoie, N° 107, 1992
• E. Benezit, Dictionnaire des … sculpteurs… , Grund, 1999
• Pierre Kjellberg, Les bronzez du XIX° siècle. Dictionnaire des sculpteurs, Les éditions de l’amateur, 1989
MOBILES DE SAVOIE, BETHONCOURT
• François Descostes, brochure, un pèlerinage à Bethoncourt (en vente au profit de la libération du territoire, Chambéry, imprimerie de F. Puthod, 1872
• Réunion des anciens mobiles de la Savoie et de la Haute-Savoie, 22 janvier 1893, Chambéry, Imprimerie Savoisienne, 1893